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Majid Blal

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Quand le mal du pays m'assaille, il prend en otage mon sommeil, délogeant Amina de son statut de reine de mes cauchemars nocturnes.
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PARTIR, REVENIR ET LE STAND BY PAR Majid Blal
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Je fulminais ! Pendant que la petite Talbot, lourdement chargée, se frayait un chemin à travers les ondulations chimériques qui s'élèvent de l'asphalte. Le soleil y a fourgué toute la chaleur de sa rage.


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Je fulminais, postillonnais et essayais de convaincre la personne qui me ramenait vers l'aéroport que radoter, ressasser les problèmes familiaux et leurs pendants des comportements irresponsables de certains membres de la fratrie n'est ni adéquat ni souhaitable. Ni n'est souhaitable car le timing ne s'y prete pas. Il n'y est pas propice quand je suis sur le seuil de quitter le pays.
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J'étais en exaspération. Comme je suis de tendance colérique, j'ai parlé fort et vite au point de bafouiller et de recommencer à bégayer comme dans mes souvenirs d'enfance.
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Pourquoi me parle-t-on de Amina et qu'est ce qui les prend tous à aborder des sujets intimistes qui ne les regardent ni de près ni de loin? Amina n'est plus qu'un fantôme qui squatte et hante des coins reculés de ma mémoire. Comme le souligne le proverbe africain, l'arbre est devenu une pirogue, on ne revient pas en arrière. On ne fera jamais de nouvelle souche à partir d'une pirogue.
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Pourquoi attendre le moment du départ et de la séparation pour me remettre sous le nez tant de fiel emmagasiné ? Fiel gerbé à l'instant qui fait mal pour uniquement faire renforcer le mal. Pourquoi attendre le moment des séparations pour me jeter à la figure une gibelotte de pépins et de reproches ? Est-ce la peur de me voir leur échapper, sur les ailes de l'avion vers des ailleurs qu'ils croient dénués du moindre problème et la moindre adversité?
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Heureusement que le débarcadère était en vue. Je n'avais que le désir de m'extirper de cette petite boîte à sardines qui puait les chicanes intestines et les propos qui se décomposent de l'intérieur avant de teinter du fétide le langage.
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La voiture s'arrête net et je débarque aussitôt, permettant à mon accompagnateur de rebrousser chemin et de quitter les lieux avant qu'il ne me sorte l'argument, tout terrain, du stationnement difficile à dénicher. Ou de la pertinence de repartir avant que circulation ne devienne dense au retour.
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Je ne l'ai salué que, formellement, du bout des mots. Même son visage m'était devenu anonyme et ses traits sans contours ni forme personnalisée apparente. Je me suis engouffré immédiatement dans l'immense aéroport comme pour échapper à mon destin et j'ai soupiré très fort pour me nettoyer le mauvais sang de l'air vicié qui sévissait à l'extérieur. L'air étouffant du relationnel devenu aussi torride que le local soleil écrasant.
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Mon supplice a été de courte durée. À peine à l'ombre dans le gigantesque espace climatisé, que j'ai été happé par les rires et les chaleureuses salutations de deux de mes vieilles amitiés que je n'avais pas revues depuis des siècles. Karmoussa et Joliefigue étaient rayonnantes et d'une telle humeur à me donner l'idée de cambrioler leurs âmes pour en faire un lieu de pèlerinage chaque fois que mes bougonnements m'indiqueraient une humeur massacrante en gestation.
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Très vite. Nous nous étreignons et nous nous estampons des bises claquantes que déjà, nous déambulons dans les vastes couloirs aussi larges et invitants telles des allées marchandes ou d'immenses centres d'achats. De fil en aiguille, de verre en pot et de coins en racoins, nous avons écumé les couloirs de l'aéroport qui était aussi immense et aussi grouillant que celui de Philadelphie.
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Tout à coup mon cœur s'est emballé. À fond. Il a fait des bonds qui cognaient ma cage thoracique au point de craindre qu'il me fasse faux bond. Je venais de me rendre compte, à presque une heure de l'embarquement, que je n'avais pas mes bagages et qu'en jaillissant à la va-vite de l'automobile, je n'avais que le jacquet en jean blanc que je retenais négligemment du bout de l'index sur mon épaule.
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Panique. Angoisse. Hyperventilation. Bouche asséchée par je ne sais quel drainage des glandes salivaires. Je me mets à courir sans savoir où ni dans quel but. Je déboule les escaliers roulants et je me vois me diriger tel un automate vers la cabine téléphonique la plus proche. Il faut que j'appelle la personne qui m'a amené pour lui demander de revenir au plus vite me rapporter mes valises.
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Au moment de composer, je me suis interrogé: Serait-il plus cohérent d'aller m'enquérir, d'abord, au bureau de l'information si quelqu'un y avait déposé quelques items pour moi? Du coup je me remets à courir en direction des guichets de service tout en tendant l'oreille aux haut-parleurs appréhendant l'appel imminent à l'embarquement que je ne veux surtout pas rater.
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Arrivé en face du bureau des renseignements au public, je me rends compte que je n'ai pas mon blouson blanc qui contenait les preuves de mon altérité: tous mes papiers, billet d'avion, passeport, cartes d'identité, cartes de débit et de crédit... Maudit jacquet que j'ai déposé par-dessus la cabine du téléphone public quand j'ai commencé à composer le numéro de mon beau-frère...
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Re-panique. Je n'ai plus de sang, qui en traitre a fui mon visage. Je pisse la sueur de tous mes pores, je me balbutie quelques inepties, pendant que je visualise mon regard devenu vide. Je suis en difficulté, mis en échec et presque mat, par une suite de complications qui doivent se marrer de ma situation. Je n'ai plus ni papiers ni argent liquide sur moi et comment faire pour me retaper le trajet vers Midelt si je perds tout et ne retrouve rien...
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Je me suis remis à courir dans le sens inverse en poussant les passagers qui en attente de pénétrer dans la zone d'embarquement, font les badauds. J'accélère le pas en grommelant et essayant de me convaincre qu'il subsiste encore dans l'univers de mes contemporains, des gens honnêtes et qu'on n'osera pas me piquer mes laissez-passer vers ma vie...
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Je suis déboussolé et courir a masqué les tremblements qui me parcourent le corps et que mon échine dispatche à tous mes membres sans discrimination. En arrivant face à la cabine téléphonique, mes yeux fouinent, trifouillent les coins, furètent et fouillent. Tout ce qui pourrait avoir l'apparence d'un linge blanc est devenu un objet d'investigation.
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À cet instant précis, je sors de mon cauchemar tout imbibé de sueur et tremblant comme pendant les grandes peurs de mon enfance. Je me lève d'un saut et me hâte de m'installer devant mon ordi pour vous relater cette péripétie nocturne.
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Preuve qu'un nomade le demeure même dans ses cauchemars.
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Le 6 septembre 2014 à Sherbrooke
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