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A Hafidi

       MIDELT-   AOULI (l’âge d’or)

                   Aujourd’hui à l’âge de cinquante six ans, la nostalgie en vers ma localité natale dite « AOULI » sise à vingt six kilomètres à l’est de Midelt, région connue entre autres par son activité d’industrie minière, demeure collée en moi assortie, d’une angoisse me serrant de temps en temps la gorge lorsque je fais revenir le scénario de mes premières années de vie passées dans ce village.

 

                   En cette année 2012, il y’a déjà trente sept ans que la vie s’est arrêtée dans ce gisement minier riche en Plomb découvert en 1907 par un professeur chercheur, universitaire français.

Il fût exploité dès 1912 par une société européenne appelée société de minéralisation de la haute Moulouya par des moyens élémentaires où les mineurs supportaient la rudesse et la dureté de l’exploitation minière.

                   En 1945 rentrait la société PENAROYA, forte par ses six cent ouvriers mineurs environ et des moyens plus modernes (marteaux-piqueurs, rails, locomotive, wagons, Euclid, explosifs, électricité etc.)

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                   Bou-issaly ( moul lahjar en arabe), Henri II ,1055,filon 3,AB5, étaient des noms de galeries et filons où les ouvriers mineurs allaient passer des heures et des heures en sous-terrain, dans l’obscurité muni de lampes de carbone chargeant des wagons de produit. Trois postes de huit heures chacun étaient programmés, vingt quatre heures sur vingt quatre le travail ne s’arrêtait jamais .Les wagons remplis de roches contenant du plomb allaient être acheminés dans une centrale où le plomb sera séparé des débris avant de rejoindre une grande laverie, celui-ci est transporté dans des camions remorques vers le port de Kenitra avant son exportation en France, des milliers de tonnes de ce produit embarquaient au port de Marseille à longueur d’année.

                  La Penaroya était dirigée par une trentaine d’européens : Directeur, cadres, ingénieurs, techniciens… détenant fortune et pouvoir et vivant dans de bonnes conditions : Villas, maisons spacieuses avec jardins, chauffe-eau, charbon de chauffage en hivers, réfrigérateur, voitures, cinéma, piscine, épicerie moderne, terrain de tennis, fusil de chasse et canne à pêche… scolarisation des enfants à l’école européenne.

A l’opposé, et de chaque côté de la vallée de la rivière Moulouya vivaient les mineurs classe prolétaire dans des baraques faites en pierres plates offertes gratuitement par la nature se prêtant à l’usage à l’état brut. Les plus chanceux d’entre eux habitaient des chambres édifiées en béton armé par la société : ni cuisine, ni toilette, ni douche un robinet collectif   placé à l’extérieur des ruelles servait un certain nombre de familles .D’autres vivaient sur le haut de la vallée dans un plateau versant exposé aux rafales de vent presque toute l’année c’était « Anjil ». Les chambres étaient couvertes de tôle suffocante en été glaciale en hiver. Pour arriver à ces soi-disant résidence il fallait monter des marches d’escaliers au nombre de trois cent cinquante, nécessitant vingt à vingt cinq minutes de marche.




 

 

 

 

 

       Malgré ces mauvaises conditions les mineurs bossaient sans arrêt pendant huit heures par jour et en guise de motivation ils peuvent bénéficier d’heures supplémentaires, ou même doubler le poste s’ils le veulent seize heures par jour. A la fin de la quinzaine, par groupe, en fil indienne on les voit devant les bureaux de la société attendre la perception de leur émolument dans des enveloppes appelées « joi » relatif à la dernière quinzaine. Une foi payés la quasi-totalité des mineurs allaient rejoindre les epéciers, les bouchers, les bonneteries … pour régler les crédits inscrits sur carnets concernant les jours passés.

         Ce qui caractérisait ces mineurs en ce bon vieux temps était d’ailleurs leur générosité, et leur solidarité …imaginez des mineurs d’Aouli, au bout de chaque mois qui collectaient de l’argent à un compagnon mineur pour ses deux frères étudiants à la quaraouyne de Fès, prise en charge totale. Ou encore un parent d’ouvrier qui venait du bled rendre visite à son fils, se voyait avec une somme d’argent collectée par les voisins à la fin de la visite muni d’une djellaba neuve un kmiss, une aabaya et des babouches. Ou encore cette veuve ayant perdu son mari mineur à cause d’un effondrement de terre dans la galerie lui laissant deux petites filles à qui un des commerçants du village s’occupait les jours de fête en leur achetant habits neufs et mouton de l’Aïd. Cette veuve et ses deux orphelines vivaient normalement avec les familles comme si de rien n’était.

         Quant aux démunis qui venaient de temps en temps au village, ils étaient reçus dans une baraque construite à cet effet par les mineurs, logés nourris par les familles de mineurs : ils recevaient quotidiennement et proportionnellement à leur nombre petit- déjeuner, déjeuner, et dîner.peu importe le temps qu’ils restaient au village.

         Ou encore ce mineur qui s’est retrouvé seul face à ces deux fils de bas âge après répudiation de sa femme. Le pauvre travaillait deux jours sur trois, son boulot ne lui permettait pas de prendre soin de ses petits, rôle assuré convenablement par les voisins en son absence et pendant longtemps. Ce ne sont là que des exemples de solidarité. Cette vie simple en communauté solidaire ne donnant aucune importance à l’argent ni au luxe allait durer jusqu'à la dernière minute testant la séparation des familles. Quelque fois et en plein milieu de travail dans la galerie les mineurs perdent un collègue ou deux à cause d’un écroulement de terres et roches qui lui tombe sur la tête, c’est alors que dès l’annonce de l’accident que tu voit des enfants et des femmes descendre la vallée en toute vitesse vers la galerie concernée afin de reconnaitre la personne perdue ou blessée de peur qu’elle soit la leur.

         D’autre part, un aussi important nombre de main-d’œuvre nécessitait un encadrement syndical, celui-ci a été pris en charge par la plus ancienne centrale syndicale du pays à savoir l’UMT avant l’arrivée par la suite de l’UGTM. Tous ce beau monde adhérait , émergeaient alors de forts et compétents délégués de mineurs revendiquant au nom de tous des meilleurs conditions de travail , des taux horaires conformes aux normes internationales, des salaires respectables, des conditions sociales plus développées : logements, santé, éducation…la paix social allait s’installer pendant des années après de chauds débats avec les responsables européens. Le 1er Mai de chaque année, correspondant à la fête du travail connaissait de multiples manifestations allant du défilé des mineurs scandant des slogans se rapportant à l’amélioration des conditions de vie et de travail des mineurs, aux discours des responsables syndicaux, aux soirées musicales …

         Les mines d’Aouli allaient contribuer d’une façon remarquable à la prospérité de l’économie de la ville de Midelt chef-lieu de la région .Celle-ci a connu son âge d’or dés le début des années cinquante jusqu'à la fin des années soixante dix du siècle passé. Commerçants juifs, entrepreneurs européens, tisserands de la kissaria , marchands du souk hebdomadaire profitaient de la conjoncture économique prospère en voyant les revenus s’améliorer d’une façon remarquable. Hélas la période des vaches grasses n’allait pas durer plus. Et tous ce beau monde ne croyait jamais à l’arrêt définitif de l’exploitation minière du plomb dans ce site, alors vient le jour où la société Penaroya met fin à son activité d’industrie minière dans le site s’en est suivi la dissolution de celle-ci, la principale cause était la brutale chute des cours du plomb à l’échelle internationale, la mauvaise gestion, de surcroit une autre cause n’en demeure pas moins importante c’est que Aouli a connu des mois avant cela une grève générale entreprise par l’ensemble des mineurs d’une durée de quarante jours assortie de settings quotidiens dans le site, intervention alors des forces de l’ordre ,hostilités, bombes lacrymogènes, riposte des mineurs avec des barres ,des boules de fer … résultat un mineur mort, des blessés des deux côtés ,s’en est suivi l’arrestation des centaines de mineurs traduit devant la cours de Meknès, condamnation et prison pour les arrêtés . Le village dépeuplé des hommes devenu alors fantôme femmes et enfants de mineurs sont restés sans vivres, seuls les quelques commerçants, épiciers, bouchers tentaient par des moyens dérisoires de subvenir aux besoins des familles devenus du jour au lendemain démunis.

         Après un certain temps, intervient la liquidation de la société, les droits pécuniaires (comptes) des mineurs ont été déboursés, départ des européens, fermeture et abandon du site, les familles une à une se séparaient les larmes aux yeux chacune d’elle prenait une direction dont elle allait chercher travail et domicile.

         Aujourd’hui après toutes ces années le site est toujours là témoignant d’un passé prospère où vivaient paisiblement des centaines de familles, bossant péniblement sous terre ces humbles mineurs ne connaissaient pas quelque chose qui se nommait paresse. Mais ce que ces pauvres gens ne savaient pas c’était la silicose maladie professionnelle irréversible due aux poussières des silices inhalés au fonds des galeries. Maintenant après un certain temps la quasi-totalité de ceux qui ont exercés au fond des galeries sont disparus, il en reste une minorité d’ouvriers qui ont échappé à ce délire ils se comptent au bout des doigts. Le port d'un masque protecteur adapté était un moyen

nécessaire de protéger leur système respiratoire ce que ces pauvres mineurs ne pouvaient supporter pendant les heures de travail.                                                        

Abdelaziz Hafidi.
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