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Majid Blal

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CHRONIQUE DES LIENS FAMILIAUX DE L'ÉMIGRÉ DEVENU IMMIGRANT


Par Majid Blal
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Quand les reproches et la culpabilisation sont les techniques d'accueil de ceux qui ont commis le crime d'être expatriés et qui ne rapportent pas l'Eldorado comme les Conquistadors qui avaient dépouillé une partie des Amériques.
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Et ils me manquent souvent. Depuis mon entrée comme interne, comme pensionnaire, à l'âge de 11 ans, ils me manquent. Je n'ai quitté l'internat qu'à mon bac.
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Le soir, entre le réfectoire et le dortoir, j'écrivais des poèmes, sous le préau, à l'effigie de ma mère que j'étais censé protéger comme son ainé qui l'aime.
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Quand l’éloignement devient insistant et le manque mordant, je leur parle le soir à travers les étoiles qui bordent notre même univers.
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Je leur dis la peine de l’absence, lorsque la voute céleste montre sa croupe parsemées de petites lumières que je supplie d’être le Poney express, le facteur, Fedex, le courriel, le Western Union…
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Quand l’absence devient odieuse, insupportable…je ma petite monnaie, mes économies, mes gros sacs de Hockey bourrés et je me taxe d’un billet d’avion.
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Puis, j’ai hâte, j’ai hâte. Je trépigne comme un enfant qui allait au cinéma Rex, sentir le beau visage tacheté de rousseur de Marlène Jobert. Elle avait l’air tellement fragile que j’avais l’impression d’être son meilleur protecteur.
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Puis, je suis pressé de les voir, pareil au petit gars qui tremblotait et qui frémissait d’impatience de recevoir des câlins, des étreintes, des baisers à n’en plus finir et surtout des mots qui disent qu’on est si important…
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Lorsque je franchi le seuil de la porte, je les débusque avec l’attitude réservée, le geste distant, drapés dans la défiance du grand chef amérindien qui se sent obligé de fumer le calumet de la paix avec les blancs.
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Ils affichent leur méfiance, leur suspicion et commencent les salutations par des reproches et des récriminations.
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- Tu nous as oublié n’est-ce pas. Depuis que tu es parti, tu as honte de nous. Tu ne nous veux plus. Ourakh tardite
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- Makh? Pourquoi ? Moi? Le plus ancré des enracinés ailleurs?
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- Nous ne sommes pas du calibre désiré, n’est-ce pas ? Tetoutakh. Tu es heureux loin de nous. May dakh trite ?
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- Makh? Makh? Pourquoi ?
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- Tu es devenu quelqu’un d’autre qui n’a pas d’affinité avec nos traditions, n’est ce pas ?
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- Makh, pourquoi?
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Là, je perds toute ma contenance, mes projections utopistes, mes attentes d’affection et je me tais.
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Adieu les effusions, les étanchements, les embrassades, les étreintes, les raconte-nous l’expatrié. Parle-nous de l’exil. Dis-nous comment tu as réussi ton enracinement ailleurs. Raconte-nous comment vit-on dans le pays de naissance de ses enfants…
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Cela ne prend pas plus que trois semaines avant que me mette à vouloir revenir chez moi à Sherbrooke. Chez moi à Sherby, chez moi AT HOME.
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Pourtant, je ressentirai le même besoin et j’y retournerai
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Je ne leur parle plus de rien qui ne sorte d,un portefeuille. Je ne regarde plus les étoiles de la même façon, car je les utilise pour parler aux miens au Canada. Mes enfants, mes amis, ma routine…

Je me réfugie dans l’achat des cadeaux du retour, qui coutent souvent moins que les présents de l’aller et je n’ai hâte que de voir l’avion se poser à Dorval.

Ils fabulent et ils tiennent, rêvent des lieux qui n'existent pas, subliment la vie des ailleurs glorifiés, au point de jalouser ta simplicité qui dit non à toute fabulation. Ils croient que même loin, on ne devrait être que EUX

Ils ont la même prétention, à l'envers, que ceux qui pensent que l'immigrant devrait se départir de son historique familial. Et que pour s'intégrer. il devrait se débarrasser de soi. D'une partie de lui même
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Majid Blal, le 20 novembre 2017
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